Mon “Futur en Seine”

Bannière Futur en Seine

Comme je l’annonçais dans mon programme du weekend le 17 juin dernier, Futur en Seine s’est tenu à Paris du 17 au 26 juin dernier. Un mois après la manifestation, je vous propose de revenir sur les événements qui m’ont marqué, à travers un petit compte-rendu très personnel.

Futur en Seine, qu’est-ce que c’est ?

Organisé par Cap Digital (pôle de compétitivité des contenus et services numériques), Futur en Seine est une sorte de biennale du numérique, qui propose un cycle de conférences autour de six thématiques, des expositions dans des lieux de culture et d’innovation à Paris et en région parisienne, sans oublier quelques événements festifs et nocturnes. Les places étant chères, c’est grâce à la complicité d’un de mes camarades muséogeeks que j’ai pu assister à deux des conférences plénières, ainsi qu’à un atelier.

Le futur des communications

Le matin du jeudi 23 juin, j’ai assisté à la conférence “Le futur des communications“. Parmi les intervenants, Sugatra Mitra (ici et aussi ) a marqué les esprits. Professeur à la Newcastle University, Mitra a développé plusieurs projets visant à étudier les mécanismes d’apprentissage chez les enfants et les adolescents, en Inde, puis en Grande-Bretagne et dans le monde entier. Avec le projet Hole in the Wall, il a installé des bornes équipées d’un ordinateur connecté à internet, laissant les enfants les utiliser pendant 3 à 4 mois avant de revenir. Entre 1999 et 2004, il a installé son dispositif dans de nombreuses régions de l’Inde rurale pour arriver à la même conclusion : abandonnés à eux-mêmes devant la machine, les enfants ont spontanément appris l’anglais pour pouvoir naviguer sur internet et utiliser la machine. Avec d’autres projets, Mitra a mis en évidence les aptitudes spontanées des enfants pour comprendre des thématiques complexes, même lorsqu’elles étaient rédigées dans une langue qu’ils ne maîtrisaient pas, ou la possibilité d’améliorer accent et prononciation par l’intermédiaire d’outils numériques. L’ensemble de ses recherches tend à démontrer la capacité qu’ont les enfants d’apprendre seuls et d’inventer leur propre pédagogie à l’aide d’un ordinateur, des notions qui ne sont pas sans questionner la manière dont on conçoit l’enseignement et l’apprentissage aujourd’hui. Après avoir pensé que Google nous rendait stupides, serions-nous en train de comprendre qu’internet permet un autre mode d’apprentissage, pas encore totalement exploré et compris mais tout aussi riche ?

Parmi les autres interventions remarquables, j’ai retenu celle de Vincent Ducrey, blogueur et conseiller nouveaux médias auprès du gouvernement français. Bien que clairement orientée business et marketing, sa présentation (de toute évidence conçue sur Keynote) ne manquait pas d’intérêt, rassemblant une somme dense de références prospectives autour des évolutions possibles de la communication et basées sur les outils existants (blogs, réseaux sociaux, forums, mobilité…). Mais il a livré une présentation (trop) riche dans un temps très court, ce qui a un peu nuit à la lisibilité de son message.

Concevoir un jeu vidéo en 3h top chrono !

L’après-midi, j’ai participé à l’atelier Social Gaming, conduit par Jason della Rocca, créateur de Perimeter Partners (voir aussi son blog, Reality Panic). Pendant cet atelier de trois heures, nous avons découvert le b-a-ba du jeu vidéo, et notamment le tryptique MDA ou Mechanics, Dynamics, Aesthetics. Pour plus de détails, je vous suggère de lire de compte-rendu très complet préparé par Béatrice David de Girlz in web. Cet atelier très rythmé, dynamiquement animé par Jason, a été une excellente expérience, me permettant d’assouvir une certaine curiosité pour les jeux vidéos, ainsi que quelques pistes de réflexion sur les ressorts de la gamification (j’aurai l’occasion d’y revenir).

Le futur de la ville sous le signe de l’initiative citoyenne

Le lendemain, la conférence plénière sur “Le futur de la ville” a été l’occasion pour moi de découvrir Robin Chase, créatrice de buzzcar, un service de partage de voiture (et non pas de co-voiturage, mais je vous laisse voir la différence sur le site). À mon sens, c’est la seule intervenante qui ait vraiment rempli sa mission : nous parler du futur (ici, de la ville) en tant qu’entrepreneure et experte. Contrairement à plusieurs autres speakers, elle n’a pas passé la majorité de son intervention a parler de son parcours et de ses propres réalisations, mais a vraiment pris le temps d’expliquer les mécanismes qui amèneront, selon elle, le public à s’approprier la ville. Pour elle, le futur est dans les structures collaboratives, générées et administrées par les citoyens, sans intervention des gouvernements et des marques. Son exemple le plus saisissant : en 8 ans d’existence, le site couchsurfing.com a rassemblé des millions d’hébergements possibles (de la chambre de bonne à la villa luxueuse en passant par le modeste canapé dans le salon familial), là où l’empire Hilton n’a construit que 3400 hôtels en 60 ans.

Une autre intervention de qualité était celle de Christophe Aguiton d’Orange Labs R&D, qui a présenté plusieurs dataviz, toujours fascinantes, selon trois différents types de classement : des cartes “républicaines” répondant à un système de vote ; des cartes “par tribus”, basées sur des critères marketing et enfin des cartes par “friends/followers”, mettant en évidence les relations entre les intervenants sur le modèle des réseaux sociaux. Cette présentation m’a aussi permis de découvrir la notion de “Little Brother“, cette forme de surveillance lègère où les parents traquent leurs enfants, les épouses leurs maris (ou inversement) et les patrons leurs employés.

Plusieurs événements ont attiré la curiosité des visiteurs, parmi lesquels la présentation des FabLab à l’IRI, l’exposition “hello demain” produite par Orange à La Villette ou encore le Village des innovations au centquatre, mais je ne les ai pas visité.

Verdict !

Comme dans toutes les conférences de ce type, la qualité des communications est inégale et les intervenants, plus ou moins rompus à l’exercice de parler en public. D’un point de vue technique, j’ai trouvé pour le moins étrange d’obliger les francophones peu à l’aise avec l’anglais à présenter leur intervention dans la langue de Shakespeare, alors même que des casques étaient disponibles, proposant un service de traduction simultanée. Loin de moi l’idée de remettre en question l’aptitude de chacun à parler anglais, mais l’exercice s’est révélé parfaitement contre-productif, et certaines conférences auraient sans doute été passionnantes si elles n’avaient pas été massacrées par un anglais hésitant et maladroit. Pourquoi ne pas laisser les intervenants parler la langue qu’ils maîtrisent le mieux, le français ou l’anglais, et laisser aux interprètes le soin d’assurer une traduction cohérente et de qualité ?

Autre remarque que m’a inspiré cette édition de Futur en Seine, c’est le manque d’efficacité du site internet et la difficulté de lecture des événements. Devant la richesse de l’offre, il était difficile de discerner le programme officiel et les événements “off”, les conférences et les ateliers, les visites et les “performances”. Peut-être un programme moins dense mais plus ramassé, un nombre de thématiques plus limitées mais approfondies seraient des pistes à creuser ?

En revanche, le choix de lieux variés, prestigieux et représentatifs de la richesse de la créativité et de l’innovation à Paris m’a semblé tout à fait à propos. En outre, la qualité de certaines interventions, la bonne humeur générale, la diversité des participants dans le public, les multiples occasions de réseautage professionnel sont de bonnes raisons de se réjouir. L’avenir nous dira comment évoluera ce très jeune événement, puisque la 3ème édition se tiendra dès l’année prochaine, le festival passant d’un rythme biennale à une programmation annuelle.

Futur en Seine, du 17 au 26 juin 2011. J’ai assisté aux conférences et ateliers les jeudi 23 et vendredi 24 juin.

5 Comments

  1. Merci pour ce point de vue. Je suis assez d’accord avec toi pour la plupart des points que tu soulèves, à ceci près: contrairement à ce qu’essaye de faire croire Robin Chase, Buzz Car n’a rien avoir avec CouchSurfing aussi bien dans le modèle économique que dans les valeurs affichées. En effet, CouchSurfing a pour fondement l’humanisme de chacun, le plaisir de rencontrer des gens etc. J’en veux pour preuve le nouveau projet CouchSurfing University. Et c’est pour toutes ces raisons que c’est gratuit. Quant à Buzz Car, je te laisse te connecter sur l’application pour voir les prix pratiqués par les utilisateurs. L’enjeu est clairement économique. On y fait du business. Rien de mal, mais il faut le savoir. La comparaison avec CouchSurfing me semble donc mal venue.
    Et du coup toute l’argumentation de Robin Chase vacille. Par exemple, elle accuse le projet Autolib d’être d’un autre temps. Mais ce que je vois dans Buzz Car, moi, c’est le retour au Moyen-Âge: une personne est propriétaire d’un bien onéreux et le met à disposition pour un tarif parfois abusif. A contrario, Autolib propose pour tous un équipement pensé et géré à bas profit, en mode “service public”.

    Mais qui pourrait en vouloir à Robin Chase? Elle déroule son business. C’est de bonne guerre. Par contre peut être qu’elle pourrait laisser tranquille les solutions concurrentes qui sont, elles, plus démocratiques.

    Pour finir sur les colloques de Futur en Seine, je n’ai vu que Futur de la Ville, et j’ai trouvé qu’il manquait des penseurs, des gens qui aient une vision méta de la question. Une réflexion. Pas forcement un truc blablabstrait, mais pas non plus cette enfilade de “business representatives” faisant leur promo: “Et là c’est l’écran où on crée un compte, et là on clique pour avoir accès à son profile…”.
    Un meilleur équilibre des deux me paraît nécessaire.

    Merci pour ton article en tous les cas!

    • Sébastien Magro

      Merci pour ta réponse Axel ! En ce qui concerne Robin Chase et BuzzCar, je n’ai pas voulu établir de parallèle avec le couchsurfing, pardon si ma formulation était maladroite. J’ai utilisé cet exemple parmi ceux qu’elle a donné dans son argumentation pour illustrer ce mouvement vers une société basée sur des échanges de services entre utilisateurs plus que sur l’achat d’un produit. Je rapprocherais ça du principe de collaborative consumption (voir notamment http://collaborativeconsumption.com/), entre autre.

      Mais si je reviens vers ta proposition, tu cites le projet Autolib comme un “service public” mais tout comme Vélib, 1) ce service aura un coût pour l’utilisateur (de ce côté là, ça ne diffère pas de BuzzCar), 2) le reste des coûts de fonctionnement est assuré par une société privée (JCDecaux si je reprends l’exemple de Vélib) et 3) dans BuzzCar, tu es libre de choisir l’offre qui t’intéresse le plus, tandis que dans Autolib (ou Commun’auto au Québec), le prix t’est imposé par l’entreprise. Ces dispositifs, bien que dans l’espace public, ne sont pas (encore ?) des services publics comme La Poste ou les transports.

      Pour le reste, je comprends ta remarque, mais les intervenants que j’ai voulu mettre en avant dans l’article ont permis, à mon sens, d’avoir des présentations de qualité, avec une vue d’ensemble et une expérience pertinente en regard de la thématique du futur.

  2. Pingback:L’enseignement Assisté Par Les Ordinateurs En Réseaux. | Allo DEFI

  3. Un ami qui travaille pour Autolib et qui a lu l’article voudrait compléter les commentaires:

    “1/ un service public n’est pas caractérisé par sa gratuité (RATP, piscines…), mais par ses missions qui sont d’intérêt général
    2/ le caractère de service public ne dépend pas de la nature publique ou privée du capital de l’entreprise exploitante, mais par les missions qu’elle exerce (ex : Veolia opérateur de transport public)
    3/ dans tout service public délégué au privé, c’est toujours la puissance publique qui fixe les tarifs et non l’entreprise”

    • Sébastien Magro

      Merci pour ces compléments Axel ! Dis à ton ami de ne pas être timide, il peut participer directement la prochaine fois, ce sera d’autant plus intéressant s’il peut nous apporter des informations sur le projet Autolib.

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