De temps à autre émergent des études réalisées par des agences digitales sur les pratiques en ligne des musées. Ces analyses permettent à leurs auteurs de mettre en avant leurs compétences auprès de potentiels clients et de valoriser leur polyvalence auprès des actuels. Réalisées avec des outils du marketing, elles révèlent souvent une absence de connaissance du contexte — le saviez-vous ? Une institution publique ne se gère pas comme une entreprise, toutes n’ont pas les mêmes moyens financiers et humains, et toutes n’ont certainement pas les moyens des grands groupes. Une fois n’est pas coutume, je me permets un petit billet d’humeur sur cette pratique, vous me pardonnerez donc la relative légèreté du ton que j’adopte.

Je ne peux m’empêcher d’associer la multiplication récente de ces analyses à la visibilité de la #MuseumWeek. Avec l’importante couverture média dont l’opération a bénéficié en 2014 et encore plus cette année, ces agences doivent se dire : “Chouette, un nouveau marché à conquérir ! Les musées sont des dinosaures sur le web, ils ne savent sans doute pas comment s’y prendre, on va leur apprendre.” Noyées sous des avalanches de chiffres, pas toujours mis en relation de manière pertinente, ces études aboutissent même parfois à des absurdités : l’une des plus récentes annonçait que le Musée d’Orsay et le Grand Palais n’avaient aucune stratégie numérique. J’imagine d’ici la réaction de mes confrères et consœurs.

You Know Nothing Jon SnowAlors, chers ami.e.s d’agences, que vous soyez fraîchement diplômé.e.s d’un MBA ou que vous soyez des business developers aguerri.e.s et rompu.e.s au digital (#aveclesdoigts), vous souhaitez vous adresser à un marché en plein essors ? Voici quelques conseils :

Sachez d’abord que les GLAMs (Galleries, Libraries, Archives & Museums) bénéficient d’une longueur d’avance sur les grandes entreprises pour lesquelles vous avez l’habitude de travailler : nous n’avons pas besoin de trouver des contenus à haute valeur ajoutée ou de définir l’ADN de nos marques. Nous les avons déjà : ce sont nos collections et le service public. Le patrimoine national dont nous avons la garde offre des occasions idéales pour mettre en place des dispositifs innovants, reposant sur la complicité avec le public. Des exemples ? #Jourdefermeture, #MuseumSelfie ou encore, justement, la #MuseumWeek.

Perhaps I Made a Terrible MistakeEnsuite, ne nous prenez pas pour des buses : certains d’entre nous animions déjà des comptes Twitter à 5 chiffres quand vous étiez encore à l’école (de commerce) et le pire c’est que certain.e.s ont justement fait des études de commerce, de marketing, de sciences sociales, et connaissent les outils que vous utilisez. Ne croyez pas que vous allez nous apprendre la vie avec la méthode agile : certes, un musée n’est pas aussi souple qu’une start-up ; certes, dans les gros établissements, les multiples niveaux de validation ralentissent parfois la prise de décision. Mais soyez sûrs que nous travaillons à développer la culture numérique de nos hiérarchies comme de nos collègues, avec des réseaux comme Muzeonum ou des groupes de travail comme la #CMMin, et ce depuis au moins 5 ans. D’un point de vue “métier”, les musées n’ont pas à rougir de leur politique en ligne : la preuve, Twitter est venu nous chercher pour créer la #MuseumWeek, constatant la maturité et la créativité de nos actions.

More wineOne last thing : pour la prochaine étude, prenez le temps de consulter l’activité en ligne des établissements que vous visez, en dépassant le simple relevé de chiffres et d’interactions. Étudiez le long terme, pas la dernière grosse opération. Cherchez les gens qui animent les comptes que vous citez (il y a souvent des CM derrière… Étonnant, non ?), regardez ce qu’ils postent et comment ils interagissent entre eux.

Allez, sans rancune.

Valar Morghulis

6 Comments

  1. Bonjour et merci pour cette analyse. Il y a des C.M. dans les musées … je confirme. Ici, au musée de la Grande Guerre, un C.M., certes multi casquettes mais vivant et rompu aux réseaux sociaux.
    Question subsidiaire : avez-vous sur votre blog une rubrique consacrée à l’aspect technique, par exemple dans le cadre de la mise en place d’exposition temporaire, des astuces liées aux contenus et à leur lecture par les visiteurs ?
    Bref … merci pour vos productions. Bonne continuation.

    • Bonjour, merci pour votre commentaire. Non, je ne propose pas ce type de rubrique sur mon blog, mais si ce n’est pas déjà fait, je vous propose de rejoindre le groupe Facebook de Muzeonum (https://www.facebook.com/groups/muzeonum/), nous y échangeons régulièrement des conseils, des astuces et des bonnes pratiques qui pourraient vous intéresser. En outre, en tant que CM du musée de la Grande Guerre, vous pouvez faire partie du groupe de travail CMmin, lancé par le Ministère.

  2. Pingback:Elle est pas belle mon étude ? | Culture...

  3. Pingback:Lidwine Labaye (llidwine) | Pearltrees

  4. Gilles Duffau

    On ajoutera à ce point de vue, que je partage, ce qui ressemble à un point commun : la technique marketing éculée de la polémique.
    Ces derniers temps, ces agences de communication numérique adoptent la même stratégie, ce qui ne laisse pas d’interroger sur leur réelle dimension novatrice :
    1/ réaliser l’étude (quelle qu’elle soit)
    2/ publier un point de vue polémique sur un site web dédié à la communauté des muséogeeks, avec une accroche volontairement (?) provocatrice
    3/ acquérir ainsi une notoriété et une légitimité dans un secteur réputé “conservateur”, et gagner ainsi facilement en visibilité
    4/ s’ensuit une controverse sur les réseaux sociaux (ce billet de blog en est un effet collatéral), initiée en partie par des muséogeeks qui jouent un peu les gardiens du temple, souvent à juste titre
    5/ controverse sur laquelle s’appuie ensuite l’agence prise à partie pour demander/susciter des rendez-vous au sein des institutions culturelles et muséales, afin d’expliquer sa démarche, sa méthodologie, et partant pour proposer une application concrète au cas particulier du musée qui a accepté le rendez-vous, c’est-à-dire vendre ses services, imaginés bien souvent dans des univers où les enjeux et les priorités ne sont pas les mêmes que dans le secteur culturel institutionnel.
    Bref, sous couvert d’innovation, on sert des recettes fabriquées dans des vieilles marmites.

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