Après avoir évoqué les réseaux sociaux comme supports numériques de médiation, je vous propose d’étendre ma réflexion aux applications mobiles. Parmi les applications proposées par le musée, trois sont orientées vers la médiation in situ. Je précise que les deux premières ont été conçues par mes collègues de la Direction des publics et que, même si je les ai accompagnées, je n’ai pas directement travaillé sur ces projets.
De la musique au musée… au Musée en musique
Traversant le musée sur 6 niveaux, la réserve des instruments de musique est une imposante colonne transparente, offrant un aperçu sur les collections, sans être toutefois accessible aux publics. Elle fait régulièrement l’objet d’une incompréhension : pourquoi ne peut-on pas y entrer ? Pourquoi est-elle si mal éclairée ? Les agents d’accueil, les guides-conférenciers et, à chaque fois que possible, les supports d’information expliquent qu’il s’agit d’une réserve, et qu’elle n’est pas visitable pour des raisons liées à la conservation préventive de la collection d’instruments de musique. Cette incompréhension a été confirmée par l’une des nos enquêtes de publics. Le service de la médiation et de l’accueil y a vu l’opportunité de valoriser les collections en créant une application, projet porté par Candice Chenu, en charge des outils numériques de médiation à la Direction des publics.
« Le Musée en musique » est une application proposée pour les terminaux Android. Réalisée dans le cadre d’un mécénat de compétence d’Orange, elle est disponible en ligne sur Google Play ou sur des terminaux prêtés à l’accueil du musée. Elle contient une sélection d’une vingtaine de pièces, accompagnées de commentaires textuels, de captations sonores et de vidéos issues de nos collections d’ethno-musicologie. La navigation repose principalement sur la technologie NFC/RFID, dont les bornes sont placées sur les vitres de la réserve, mais une navigation linéaire classique est également possible. En parallèle à l’application, une mallette pédagogique a été développée, comprenant un plateau de jeu et des smartphones. Il est utilisé dans des actions de médiation hors les murs, notamment en bibliothèque ou pour le milieu associatif.
Une application pour tous
L’application « Les Experts quai Branly » fonctionne exclusivement sur iPad et, pour le moment, elle est uniquement disponible in situ, sur des terminaux prêtés gratuitement à l’accueil du musée. Elle a été imaginée en collaboration avec Signes de Sens, qui travaille sur l’accessibilité universelle, et a bénéficié du mécénat de la Fondation Orange et de la Fondation d’entreprise France Télévisions. Le principe est le suivant : les utilisateurs suivent un ethnologue facétieux dans une exploration des quatre continents couverts par le musée (quatre applications distinctes ont été développées).
Le personnage s’exprime en LSF, la langue des signes française, principalement utilisée par la population sourde. Il est accompagné d’une voix off et ses paroles apparaissent également en sous-titres. L’objectif était de s’adresser au plus grande nombre de visiteurs avec le même outil, que chacun peut s’approprier. Un objectif qui semble atteint, puisque les retours montrent que l’application est populaire, bien sûr auprès des visiteurs sourds mais aussi auprès de ceux en situation de handicap mental, notamment en raison du travail effectué autour d’une langue simple et accessible. En outre, l’application a été distinguée par trois prix, qui s’ajoutent à ceux reçus par le musée pour l’ensemble de sa politique générale d’accessibilité.
Une offre de médiation coordonnée
L’application PHQ4, disponible gratuitement pour iOS à l’automne 2013, a été développée et exploitée à l’occasion de Photoquai, la biennale de photographie qui a lieu sur le quai Branly en face du musée, les années impaires et est consacrée aux photographes émergents non-occidentaux. Elle a été réalisée dans le cadre d’un partenariat avec les étudiants en multimedia de Gobelins, l’école de l’image, et en collaboration avec notre producteur délégué, ARTER et précisément Clélia Dehon, en charge de l’offre de médiation autour de Photoquai.
Cette application proposait des contenus institutionnels, textes et images présentant la biennale et son fonctionnement, ainsi que des notices pour chacun des 42 photographes sélectionnés en 2013. Mais la véritable plus-value résidait dans les six parcours de médiation, proposés en échos aux visites qui étaient présentées in situ, complétés par des interviews vidéos des photographes exposés.
Photoquai 2013 a été, pour le musée, la première occasion de présenter une offre de médiation cohérente, déclinée sur plusieurs supports. Les visites guidées, les parcours contenus dans l’application et la ligne éditoriale sur la page Facebook créée pour l’occasion proposaient ainsi une expérience globale.
Des outils numériques complémentaires
Ces applications, principalement tournées vers un usage in situ, constituent des outils de médiation que les visiteurs peuvent utiliser seuls ou en groupe, en famille ou entre amis, et qui viennent compléter les informations accessibles dans les espaces d’expositions. Les captations sonores, les vidéos, les textes enrichissent l’expérience de l’utilisateur lorsqu’il souhaite approfondir sa visite. Ces outils répondent également à un besoin d’information sur les objets exposés, en partie lié aux choix scénographiques sur le plateau des collections, besoin qui a été mis en évidence lors de nos enquêtes auprès des publics. À l’exception des Experts quai Branly, pour le moment uniquement disponible sur des iPads prêtés par le musée, ces applications offrent l’avantage de s’installer directement sur les terminaux personnels des visiteurs.
Après avoir abordé les réseaux sociaux comme outils de « médiation numérique », dans le prochain article de la série, je reviendrai sur la première expérience de narration transmedia mise en place par le musée.
Cet article et les trois autres consacrés à la “médiation numérique” sont basés sur mon intervention le mercredi 3 décembre 2014 avec Gonzague Gauthier à l’École la Panacée, en partenariat avec l’Université Montpellier III. Merci à Eli Commins et Éva Sandri pour leur accueil et l’organisation de cette rencontre.
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Bonjour,
Au delà de l’inventaire de ce qui existe, une évaluation a-t-elle été entreprise ? Par ailleurs, des chiffres de téléchargement et surtout les statistiques d’utilisation sont très rarement donnés… Ce qui fait qu’à mon sens le “succès” soit disant rencontré par des applications de musées (à orientation forte de Mediation) reste du domaine du fantasme pour moi. Êtes-vous en mesure de communiquer des éléments d’usage ? Même en message privé 🙂 ? Merci
Guillaume
Bonjour Guillaume,
Merci pour votre réponse. Seul chiffre dont je dispose : l’application PHQ4 a enregistré 813 téléchargements. On est loin de Candy Crush, mais nous considérons ce chiffre comme honnête, pour 2 mois d’exploitation.
Certaines des enquêtes de publics menées par mes collègues de la Direction des Publics comprennent des questions sur les audioguides, mais n’intègrent pas toutes les applications mobiles. À l’avenir, nous allons travailler de plus près avec eux pour intégrer une évaluation des dispositifs numériques produits par mon service.
Pour le moment, nous sommes très pris par la refonte du site, dont la mise en ligne est prévue pour l’automne. Mais nous avons prévu de nous pencher sur nos applications mobiles en 2016, notamment parce que notre futur site sera en responsive web design, donc accessible aussi sur smartphones et tablettes, ce qui bousculera forcément notre offre mobile.
Voilà, vous savez tout !
Sébastien
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Bonjour Sébastien,
Votre article présente une réflexion constructive sur le rôle des applications visant à améliorer l’expérience de visite in situ. “Le musée en musique” montre qu’une application permet d’élargir le champ des possibles, de décloisonner les murs et de parler aux visiteurs des espaces inconnus mais attractifs. Cela permet de préserver les collections tout en les valorisant auprès du public.
Au sujet de la mallette pédagogique comprenant un plateau de jeu et des smartphones, j’aurais bien aimé en savoir plus. Quel est son fonctionnement, pourquoi l’avoir proposée en plus de l’application ?
Pour l’application “Les Experts Quai Branly”, je vois deux choses intéressantes. Premièrement, l’usage de l’humour via le personnage de l’ethnologue, pour enseigner tout en divertissant les visiteurs. Cela facilite la diffusion des contenus surtout auprès des enfants. Deuxièmement, l’usage des vidéos, des sous-titres et de la langue des signes qui permet de s’adresser à tous les visiteurs. L’application est outil de démocratisation de la culture dans son ensemble.
Enfin, je suis d’accord sur le fait qu’une stratégie cohérente de médiation culturelle doit intégrer le développement d’une application. En complément du site internet et de la communication in situ, l’application aide à préparer sa visite, à découvrir les oeuvres et à s’orienter sur place. La question du « succès » en terme de téléchargements/usages devient alors centrale pour pérenniser et justifier les efforts. C’est pourquoi nous les partageons systématiquement avec les institutions que nous accompagnons.
Bonjour Constance,
Merci pour votre commentaire.
La mallette pédagogique qui accompagne l’application “Le Musée en musique” contient un jeu de plateau qui s’appuie sur les contenus sonores de l’appli, elle s’utilise avec des terminaux qui sont fournis avec. Elle s’adresse à des usages hors les murs, notamment en bibliothèque. Pour en savoir plus : http://www.quaibranly.fr/fr/musee/le-musee-sur-mobiles-et-tablettes/lemuseeenmusique.html.
En effet, pour l’application “Les Experts quai Branly”, l’objectif était de proposer une application inclusive, non spécifiquement adressée à un type de public plus qu’à un autre.
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