Suite à mon interview par Gayané Adourian pour le Knowtex Blog, il me trotte dans la tête depuis quelques mois d’écrire sur les #museogeeks, l’histoire et les caractéristiques de la communauté, ses membres et les trois principales initiatives qui en sont issues. Alors que ces projets se structurent de plus en plus, il me semble intéressant de commencer, dès à présent, une sorte d’archéologie de cette communauté dynamique aux contours fluctuants.
Mise à jour de juin 2014 : suite à la rencontre des #museogeeks dans le cadre de Futur en Seine, j’ai mis à jour certains éléments, notamment les éditions de Museomix et les initiatives listées dans la conclusion.
Les #museogeeks
Les caractéristiques de la communauté
Les #museogeeks (de muséo, préfixe évoquant le musée et –geeks, suffixe qui fait référence à l’intérêt pour le numérique et les TICE), forment une communauté informelle qui s’est agrégée en France autour de l’été 2011, après de nombreux échanges entre des divers acteurs du numérique au musée. Si mes souvenirs sont exacts, le terme a été forgé autour à l’occasion du “pique-nique numérique” qui s’est tenu en juillet 2011. Il a rapidement été adopté sous la forme d’un hashtag, #museogeeks (ou parfois au singulier #museogeek).
Dans cette communauté se retrouvent : des agents d’institutions culturelles ; des professionnels, consultants indépendants et ou en agences ; des étudiants en histoire de l’art, en médiation, en design, en marketing, mais aussi des amateurs de musée dont ces disciplines ne sont pas le métier. Communauté prolixe et dynamique, elle est à l’origine de plusieurs projets, parmi lesquels Museomix, Muzeonum et le groupe SMV (un Soir, un Musée, un Verre), mais aussi les #CMMin et le TMNLab.
La petite histoire…
En ce qui me concerne, ma véritable entrée dans la communauté date du mois de février 2011, où j’ai participé au test de la bataille du Centre Pompidou, dispositif préparé à l’occasion de la Nuit des musées 2011. Mais je sais que plusieurs membres considèrent les Rencontres Wikimédia de décembre 2010 comme un événement fondateur. Le thème, Patrimoine culturel et web collaboratif, a permis à beaucoup de se rencontrer IRL après des mois d’échanges “virtuels”, notamment sur Twitter. Parmi les intervenants figuraient Coline Aunis du musée des Arts et Métiers à l’époque, maintenant au MuCEM, Diane Drubay, consultante indépendante à l’origine de We Are Museumet Samuel Bausson autrefois au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse, à présent aux Champs Libre, à Rennes.
Puis, les Rencontres numériques, organisées par le Ministère de la Culture les 3 et 4 mai 2011 à la Gaîté Lyrique ont été un second jalon. Le thème cette année-là, Médiation et numérique dans les équipements culturels, témoignait de l’intérêt à ces thématiques porté par le ministère, autant que de l’importance grandissante de la place du numérique dans les institutions culturelles. Plus tard, en juin, Futur en Seine a donné aux membres de la communauté plusieurs occasions de se revoir, jusqu’au pique-nique numérique, organisé le 6 juillet 2011 à l’initiative de Clélia Dehon. Cet événement, abondamment photographié et commenté, a vraiment été le point de départ d’un mouvement, d’une structuration du groupe avec la création de relations IRL.
En parallèle à ces occasions de se rencontrer figurent d’autres initiatives dont certaines ont été plus confidentielles, mais néanmoins très importantes pour poser les bases de la communauté actuelle, parmi lesquelles l’action de Diane Drubay et de Samuel Bausson sur leurs blogs respectifs Buzzeum et Mixeum depuis 2007, et l’organisation par Diane de rencontres informelles entre professionnels de la culture et du numérique en 2010 et 2011. Depuis plus de trois ans, les #museogeeks échangent des informations grâce à un hashtag, se rencontrent lors d’événements qu’ils organisent (Museomix, les IRL de Muzeonum, les SMV) ou non (des conférences, rencontres, cours et séminaires auxquels ils sont invités). Ils participent au développement et au dynamisme du numérique dans la culture – musées mais aussi spectacles vivants, culture scientifique et technique.¹
Les cinq initiatives
Museomix
Initiative la plus connue et la plus visible, Museomix est portée par ses cinq fondateurs : Buzzeum (Diane Drubay), Nod-A, Samuel Bausson, Erasme et Julien Dorra depuis le printemps 2011 (initialement, Knowtex faisait partie de la bande, mais a quitté le projet plus tard). Idée insolite dans les musées, le mot d’ordre de Museomix est “Let’s remix museums!”. Sur le modèle des hackathons ou des workshops en design, le principe est de faire concevoir à des équipes d’amateurs (au sens, des fans du musées, pas de professionnels rémunérés répondant à une commande), des dispositifs s’appuyant sur des technologies et/ou des pratiques numériques en l’espace de trois jours, toujours le weekend du 11 novembre. J’ai eu l’occasion de revenir sur ma participation à la première édition aux Arts Décoratifs en novembre 2011, et l’enthousiasme que j’ai eu à y participer. De nombreux autres avis ont été exprimés sur le projet, parmi lesquels Gonzague Gauthier sur Véculture, qui s’interroge sur le concept.
Museomix dispose actuellement d’un site, d’un groupe Facebook, d’une page Facebook, d’un compte Twitter, auquel s’ajoute l’utilisation du hashtag #museomix.
Les précédentes éditions se sont déroulées :
- aux Arts Décoratifs en 2011,
- aux Musées Gallo-Romains de Lyon en 2012,
- dans six musées en 2013, dont quatre en France et deux à l’étranger : au Musée de la civilisation de Québec et au Ironbridge Gorge Museums de Shropshire (Grande-Bretagne).
La prochaine édition, en cours de préparation, se déroulera simultanément dans huit musées dans le monde (à Nantes, Lille, Saint-Étienne, Arles et Paris pour la France, et à Montréal, Genève, Derby pour l’étranger), alors que de nombreux comités Museomix se mettent en place un peu partout.
Muzeonum
Créé en août 2011, Muzeonum est un wiki rassemblant des ressources autour du numérique au musée, à l’initiative d’Omer Pesquer, comprenant une centaine de pages. Le projet s’est enrichi d’outils de communication et d’échanges : un groupe Facebook, une page Facebook, un compte Pinterest collaboratif, un compte Twitter géré par quatre personnes, le hashtag #Muzeonum et un groupe LinkedIn. Le groupe Facebook, fort de plus de 1300 membres, est le lieu privilégié d’échanges d’expériences, de bons plans, d’astuces entre professionnels du numérique dans les musées. Autre outil, la carte des #museogeeks, pour se retrouver en France, en Europe et partout dans le monde.
Par la suite, des rencontres IRL, programmées tous les deux mois à Paris et ponctuellement en régions, sont venues compléter le dispositif. Un comité de coordination temporaire, comprenant Omer Pesquer, Clélia Dehon, Coline Aunis, Audrey Defretin et moi-même a été mis en place pour assurer le développement du projet, avec la complicité de Gonzague Gauthier. La création d’une association est en cours, prévue pour l’été 2014.
Un soir, un musée, un verre : le groupe SMV
À l’origine des SMV, Kristel Fauconnet et Laurent Albaret souhaitaient avant tout créer des occasions hebdomadaires de se retrouver autour d’un verre après la visite d’une expo. Également apparu en août 2011, le SMV s’adresse à tout public intéressé par la visite d’expo, qu’il s’agisse de professionnels de la culture ou non. Aujourd’hui rejoints par Claire Séguret, Marie-Claire Doumerg, Meriam Ben Sassi, Julien Carrasco et Antoine Vitek (avec la complicité de Guillaume Ansanay-Alex), le groupe s’est récemment constitué en association, et s’efforce de proposer des formes nouvelles visites, toujours dans la joie et la bonne humeur.
Le groupe SMV dispose d’un site internet, mais l’essentiel de son actualité passe par une page Facebook, des événements sur cette même plateforme et un compte Twitter principal. Pour chaque soirée, un hashtag portant le numéro est utilisé : ainsi, le #SMV82 avait lieux récemment au musée du quai Branly. Si le principe général du SMV n’a rien de particulièrement technophile, la porosité entre ce groupe et d’autres sphères plus “geeks” ainsi que la pratique du livetweet renforcent l’appartenance du groupe SMVà la communauté des museogeeks.
#CMMin, les community managers des établissements culturels et patrimoniaux
En 2013, un quatrième groupe est apparu à l’initiative du département de la politique des publics du Ministère de la Culture, les CMMin, des rencontres qui réunissent les community managers des établissements culturels et patrimoniaux. Elles sont accompagnées d’une enquête en cours sur les agents qui remplissent ces fonctions, menée par Noémie Couillard, doctorante École du Louvre/UAPV/UQÀM. Porté par le dynamisme de Florence Vielfaure, le groupe dispose actuellement d’un site, du hashtag #CMmin et d’un compte Twitter.
TMNLab, le laboratoire théâtres & médiations numérique
Enfin, début 2014 est né le TMNLab, une initiative apparue au sein des théâtres et des arts du spectacles, et qui revendique sa filiation avec #Muzeonum. Ce laboratoire théâtres & médiations numérique est porté par Anne Le Gall, Sébastien Daniel et Julia Passot, accompagnés par un groupe très dynamique. Le TMNLab s’est donné pour mission de fédérer les #theatrogeeks, notamment en développant les échanges de bonnes pratiques entre professionnels. Il dispose d’un site internet, d’un fil Twitter et du hashtag #TMNLab, d’une page Facebook.
Et demain ?
Aujourd’hui, les #museogeeks forment une communauté large et multiple, mais aussi fortement mobilisée comme le montrent ces différentes initiatives. Le paysage, dominé par l’omniprésence de Museomix, continue de structurer avec, par exemple, la maturation de Muzeonum. Mais il se segmente également, à l’image des initiatives réservées aux professionnels comme la #CMMin ou plus spécifiques à un groupe en particulier, telle que le TMNLab.
D’autres projets, comme #jourdefermeture ou le NOS (nouvel outil statistique), ont émergé depuis la première version de cet article en avril 2013, témoignant de la créativité et du dynamisme dont la communauté fait preuve. L’intégration d’un volet numérique au sein d’une stratégie plus large, qui continue de se développer dans la majorité des institutions culturelles, autant que l’intérêt grandissant que le Ministère de la Culture accorde aux dispositifs numériques, ne peuvent que stimuler et encourager ces initiatives, tout autant qu’elles-mêmes nourrissent les professionnels qui œuvrent à intégrer le numérique aux institutions.
¹Pour plus de détails sur l’historique du numérique au musée, voir l’article d’Omer Pesquer, France : plus de 15 ans de numérique pour les musées.
MÀJ du 17/04/13 : ajout de Knowtex dans les fondateurs de Museomix.
Merci Sébastien pour ton article ! 🙂
Selon moi, le développement des muséogeeks s’est incroyablement développé grâce aux réseaux sociaux (blogs et Facebook au départ). Mais dès 2005, je m’intéressais déjà aux nouveaux outils numériques dans les musées développant par là l’idée de musée virtuel, dont le musée numérique en est un pendant. 🙂 Les muséogeeks étaient donc bien présents, mais peut-être pas en communauté formalisée. 🙂
Oui, tout à fait Audrey ! Je le précise avec le rôle de Diane et de Samuel, qui ont commencé à blogger très tôt, en s’intéressant notamment aux expériences faites aux États-Unis et en Grande-Bretagne. L’idée de l’article était plutôt d’évoquer la structuration de la communauté à l’été 2011.
On pourrait penser que les #muzeogeek tels qu’ils apparaissent, sont surtout focalisés sur le numérique en tant que vecteur de médiation (réseaux sociaux, dispositifs in situ, services numériques…) et les rencontres afk-mais pas loin du smartphone. En parallèle se développent également des initiatives originales dans la production, l’édition et la diffusion numériques du patrimoine culturel. C’était d’ailleurs l’objet principal des Rencontres Wikimedia de 2010. Sur ce plan on pourrait citer les initiatives du Museum de Toulouse ou celle prochaine de l’Éditathon Wikimedia au Quai Branly, organisé par le musée et Wikimédia France les 18 et 19 mai 2013.
Je ne sais pas s’il faut vraiment en faire une distinction. En effet, les membres les plus “visibles” des #museogeeks se retrouvent souvent autour du rôle de médiation qui peut être joué par les dispositifs numériques, mais ça n’empêche pas une dimension de production et d’édition des contenus.
L’appropriation des collections et la co-création de dispositifs innovants est au coeur du projet de Museomix, par exemple. Et la co-création de contenus est également incitée par le CPV, la dernière version du site internet du Centre Pompidou, un projet sur lequel Gonzague Gauthier a beaucoup travaillé. Et, comme tu le cites, le travail de Wikimedia en partenariat avec plusieurs institutions (le Centre encore, Versailles, le musée du quai Branly) est exemplaire.
Enfin, faire une distinction de la sorte, n’est-ce pas refuser aux fans Facebook ou aux abonnés Twitter le statut de co-créateurs de contenus entourant les expositions, quand ils postent photos, vidéos, et articles de blogs ?
Justement non faire distinction mais un complément au-delà de la médiation.
Oui une médiation, jusqu’au tweet, est une création mais ne constitue pas pour autant, et rarement même, une ressource documentaire accessible, pérenne, appropriable et réutilisable. Or le production et la diffusion de ces ressources documentaires patrimoniales est justement une potentialité énorme du numérique et les #museogeeks à cheval sur le dedans/dehors institutionnel innovent aussi dans ce domaine.
dans la petite “pré”-histoire 🙂 (octobre 2009), il y a la rencontre http://www.mixeum.net/post/190442317/rencontre-web-2-0musees C’est pour moi le début de l’aventure, mais je crois pas qu’on s’appelait encore #museogeeks à l’époque. Nous étions là avec Yves Armel Martin et Christophe Monnet d’Erasme, Diane Drubay, Yannick Vernet (Mucem à l’époque), Alain Romang (abattoirs), Karel Cioffi (Mac Lyon), Conxa Rodà (Museù Picasso), Laurent Gaveau (versailles), Sébastien Degroisse (Bx Arts Lyon)…
http://erasme.org/Le-web-2-et-les-Musees
et Anna-Laura.
et Audrey Defretin, et Philippe Rivière (cité Archi à l’époque), Colina Aunis (Arts et Métiers à l’époque)…. arffff… bad move l’idée du listing…. bref, on était plein, et c’était chouette !
Euh c’est Aude…. Et PS, même si mes billets datent de 2007 également :), le reste du contenu était précédemment développé sur un site en html (oui je sais, c’est horrible, avec des frames partout…) 🙂
Diantre ! Les affres du multi-tasking (ou écrire un mail à une Audrey en même temps) Toutes mes excuses, Aude 😉
Superbe article, je partage ! ….je vais également mettre à mes favoris pour les futurs #muséogeek du Québec. Merci!
Merci Anne ! Au plaisir de (re)croiser les #museogeeks québécois !
Je serai ravie Annie de pouvoir les rencontrer aussi ! :)) et toi aussi quand tu seras de passage à Montréal par la même occasion !
Aurais-tu des noms à me donner que je puisse déjà les suivre sur twitter et prendre contact avec eux ? (Je suis sûre que j’en connais déjà quelques-uns mais on ne sait jamais :)).
La bise !
Désolée Aude… un trop plein de boulot! Ton courriel est encore dans ma boîte d’envoi. Je te transmets une partie tout de suite! Pour le reste, on se fait une rencontre à Montréal ? Tu me fera signe quand tu arrives!
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A reblogué ceci sur missiondocmcc.
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super article Sébastien ! Il m’a rappelé notre rencontre lors de la bataille du Centre Pompidou #larmichette et… me donne envie d’organiser un nouveau pique-nique-numerique #PNN #asuivre !
Merci, Clélia ! En effet, souvenirs, souvenirs !
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